Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/40

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fois le verrou et la chaîne de l’ordre légal sont tombés et que l’anarchie apparaît, alors il montre ce qu’il est. Celui qui, même sans cette occasion, voudrait se renseigner à ce sujet, peut se convaincre, par des centaines de récits anciens et modernes, que l’homme ne le cède en cruauté et en impitoyabilité à aucun tigre ni à aucune hyène. Un exemple de poids pour le temps présent est fourni par la réponse que fit en 1840 la Société antiesclavagiste de l’Amérique du Nord à la Société antiesclavagiste britannique, qui s’était informée auprès d’elle de la manière dont étaient traités les esclaves dans son pays. Cette réponse a pour titre : Slavery and the internal Slavetrade in the United States of North-America : being replies to questions transmitted by the British Antislavery-Society to the American Antislavery-Society. Londres, 1841, 280 pages. Ce livre constitue un des actes d’accusation les plus accablants contre l’humanité. Personne ne le refermera sans horreur, et peu de gens sans verser des larmes. En effet, ce que le lecteur peut avoir jamais entendu dire, ou imaginé, ou rêvé, en fait de dureté ou de cruauté humaine, lui semblera insignifiant, s’il lit comment ces démons à face d’hommes, ces coquins bigots qui vont à l’église et observent le sabbat, spécialement les calotins anglicans qui se trouvent parmi eux, traitent leurs frères noirs innocents, que l’injustice et la violence ont fait tomber sous leurs griffes diaboliques. Ce livre, composé de comptes rendus secs, mais authentiques et documentés, révolte à un tel degré tout sentiment humain, qu’on pourrait, le tenant à la main, prêcher une croisade en vue de l’assujettissement et du châtiment des États esclavagistes de l’Amérique du Nord :