Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/54

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Il y a en réalité deux manières opposées de devenir conscient de sa propre existence. La première, en intuition empirique, se déployant de l’intérieur, comme un être infiniment petit dans un monde illimité sous le rapport du temps et de l’espace ; comme un seul être parmi les mille millions d’êtres humains qui courent en tous sens sur ce globe terrestre, pour très peu de temps, en se renouvelant tous les trente ans. La seconde, en s’enfonçant dans son propre intérieur et en devenant conscient d’être tout en tout et véritablement le seul être réel qui se voit une fois encore dans l’autre qui lui est donné du dehors, comme dans un miroir. Or, que le premier mode de connaissance embrasse seulement le phénomène opéré par le principium individuationis, mais que le second soit une conscience immédiate de soi-même comme de la chose en soi, c’est là une doctrine dans laquelle, pour la première partie, j’ai Kant avec moi, et, dans les deux, le Véda. La simple objection contre le second mode est qu’elle présuppose qu’un seul et même être peut se trouver en même temps en différents endroits et pourtant en chacun. Mais quoique cela soit, au point de vue empirique, l’impossibilité la plus évidente, et même une absurdité, ce n’en est pas moins absolument vrai de la chose en soi ; car cette impossibilité et cette absurdité reposent uniquement sur les formes du phénomène, qui constituent le principium individuationis. La chose en soi, la volonté de vivre, existe en effet dans chaque être, même le moindre, est présente entière et indivise aussi complètement que dans tous ceux qui jamais furent, sont et seront. C’est la raison pour laquelle chaque être, même le moindre, se dit à