Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/66

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l’espoir qu’elles entreront encore en possession de ce qui leur manque. Ce monde n’est donc pas simplement un champ de bataille dont les victoires et les défaites obtiendront des prix dans un monde futur ; il est déjà lui-même le jugement dernier où chacun apporte avec soi récompense et honte, suivant ses mérites. Le brahmanisme et le bouddhisme, en enseignant la métempsycose, ne savent absolument rien d’autre.

On s’est demandé ce que feraient deux hommes qui auraient grandi chacun solitairement dans un désert, et qui se rencontreraient pour la première fois. Hobbes, Puffendorf, Rousseau ont répondu en des sens divers. Puffendorf est d’avis que leur rencontre serait amicale ; Hobbes, qu’elle serait hostile ; Rousseau, qu’ils s’ignoreraient. Tous trois ont raison et tort. La diversité incommensurable des dispositions morales innées des individus se montrerait précisément ici en si pleine lumière, qu’elle nous donnerait en quelque sorte leur loi et leur mesure. Car il y a des hommes chez qui la vue de l’homme provoque aussitôt un sentiment hostile, en ce que leur être intime s’exprime ainsi : « Ce n’est pas moi ! » Et il y en a d’autres chez qui cette vue provoque aussitôt un intérêt amical, en ce que leur être intime dit : « C’est moi encore une fois ». Il y a dans l’intervalle d’innombrables degrés. Mais qu’en ce point capital nous soyions si différents, cela est un grand problème, pour ne pas dire un mystère. Sur cette apriorité du caractère moral, le livre du danois Bastholm : Contributions historiques à la connaissance de l’homme dans l’état sauvage, offre matière à des considérations variées. Il constate lui-même que la culture intellectuelle et la