Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/76

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pour la compréhension de notre si énigmatique existence.

La prédestination et le fatalisme diffèrent non dans leur essence, mais en ceci, que le caractère donné et la détermination de l’action humaine qui vient du dehors, procèdent, dans celle-là, d’un être connaissant, dans celui-ci, d’un être sans connaissance. Dans le résultat ils se rencontrent : il arrive ce qui doit arriver. La conception d’une liberté morale est, au contraire, inséparable de celle d’origination. Qu’un être en effet soit l’ouvrage d’un autre, et que malgré cela il soit libre dans sa volonté et dans ses actes, cela peut se dire, mais non se comprendre. Celui qui l’a appelé du néant à l’existence, a par là même créé et déterminé aussi sa nature, c’est-à-dire toutes ses qualités. Car on ne peut jamais créer sans créer quelque chose, c’est-à-dire un être exactement déterminé dans toutes ses qualités. Mais de ces qualités ainsi déterminées, découle ensuite nécessairement l’ensemble des manifestations et des opérations de cet être, lesquelles sont simplement ces qualités mêmes mises en jeu, qui n’attendaient, pour se manifester, qu’une impulsion du dehors. Tel qu’est l’homme, il doit agir : ses fautes et ses mérites sont donc liés, non à ses actes personnels, mais à son essence et à son être. Aussi le théisme et la responsabilité morale de l’homme sont-ils incompatibles : c’est que la responsabilité retombe toujours sur l’auteur originel de l’essence, comme à l’endroit où elle a son centre de gravité. C’est en vain qu’on a cherché à jeter un pont entre ces deux incompatibilités, grâce à la conception de la liberté morale de l’homme : ce pont s’écroule toujours de nouveau. L’essence libre doit être