Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/34

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puissent améliorer notre condition, tandis que la gaieté est un bénéfice immédiat. Elle seule est, pour ainsi dire, l’argent comptant du bonheur ; tout le reste n’en est que le billet de banque ; car seule elle nous donne le bonheur dans un présent immédiat ; aussi est-elle le bien suprême pour des êtres dont la réalité a la forme d’une actualité indivisible entre deux temps infinis. Nous devrions donc aspirer avant tout à acquérir et à conserver ce bien. Il est certain d’ailleurs que rien ne contribue moins à la gaieté que la richesse et que rien n’y contribue davantage que la santé : c’est dans les classes inférieures, parmi les travailleurs et particulièrement parmi les travailleurs de la terre, que l’on trouve les visages gais et contents ; chez les riches et les grands dominent les figures chagrines. Nous devrions, par conséquent, nous attacher avant tout à conserver cet état parfait de santé dont la gaieté apparaît comme la floraison. Pour cela, on sait qu’il faut fuir tous excès et toutes débauches, éviter toute émotion violente et pénible, ainsi que toute contention d’esprit excessive ou trop prolongée ; il faut encore prendre, chaque jour, deux heures au moins d’exercice rapide au grand air, des bains fréquents d’eau froide, et d’autres mesures diététiques de même genre. Point de santé si l’on ne se donne tous les jours suffisamment de mouvement ; toutes les fonctions de la vie, pour s’effectuer convenablement, demandent le mouvement des organes dans lesquels elles s’accomplissent et de l’ensemble du corps. Aristote a dit avec raison : « Ο βιος εν τη κινησει εστι » (La vie est dans le mouvement). La vie consiste essentiellement