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DE LA PREMIÈRE CLASSE D’OBJETS POUR LE SUJET

Lorsque Kant veut prouver l’apriorité et la nécessité de la loi de causalité, en démontrant que ce n’est que par son intervention que nous pourrions connaître la succession objective des changements, et que, sous ce rapport, elle serait la condition de toute expérience, il tombe évidemment dans une erreur si surprenante et si palpable, qu’on ne peut se l’expliquer que par cette considération qu’il était absorbé dans la partie intuitive de notre connaissance, au point de perdre de vue ce qu’autrement chacun eût pu voir. Je suis le seul qui ait donné (voir § 21) la démonstration exacte de l’apriorité de la loi de causalité. Cette apriorité est confirmée à tout instant par la certitude inébranlable avec laquelle chacun s’attend, dans toutes les circonstances, à voir l’expérience s’accomplir conformément à cette loi, en d’autres termes, par la force apodictique que nous lui accordons ; il y a entre cette évidence et toute autre certitude basée sur l’induction, par exemple celle des lois naturelles connues expérimentalement, cette différence qu’il nous est impossible même de penser que la loi de causalité puisse souffrir une exception quelque part dans le monde expérimental. Nous pourrions par exemple penser que la loi de la gravitation cesse un jour d’agir, mais non que cela puisse arriver sans une cause.

Dans sa démonstration, Kant est tombé dans la faute opposée à celle de Hume. Pour celui-ci, tout rapport d’effet à cause est une simple succession : Kant au contraire entend qu’il n’y ait pas d’autre succession que celle de cause et effet. Il est certain que l’entendement pur ne