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DE L’UTILITÉ DES CONCEPTS

résultats. Voici, en substance, sur quoi se fonde cette faculté dans ses opérations :

Le contenu des concepts étant moindre que celui des représentations dont ils ont été extraits, ils sont par là même plus faciles à manier que ces dernières, envers lesquelles ils jouent à peu près le même rôle que les formules dans l’arithmétique supérieure en face des opérations de l’esprit dont elles sont issues et qu’elles remplacent, ou celui des logarithmes envers leurs nombres. Des nombreuses représentations dont ils ont été déduits ils n’ont gardé que la partie dont on a justement besoin ; tandis que, si l’on voulait évoquer par l’imagination ces représentations elles-mêmes, on devrait traîner après soi un lourd bagage d’accessoires qui ne servirait qu’à produire la confusion ; au contraire, par l’emploi des notions abstraites, nous ne pensons que les parties et les côtés de toutes ces représentations, réclamés par le but actuel qu’on se propose. Leur usage peut être comparé à l’abandon d’un bagage inutile ou à l’emploi de quintessences au lieu de leurs ingrédients, de la quinine au lieu du quinquina. C’est surtout cette occupation de l’intellect travaillant avec des concepts, c’est-à-dire la présence dans la conscience de cette classe de représentations dont nous nous occupons dans ce chapitre, que l’on appelle proprement penser dans l’acception restreinte du mot. On la désigne aussi par le terme de réflexion, lequel forme un trope tiré de l’optique et exprimant en même temps ce qu’il y a de dérivé et de secondaire dans cette espèce de connaissance. C’est ce penser, cette réflexion qui donne à