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LES REPRÉSENTANTS DES NOTIONS ABSTRAITES

28. — Les représentants des notions abstraites. Du jugement.

Il ne faut pas confondre, nous l’avons déjà dit, le concept avec le fantôme en général ; celui-ci est une représentation perceptible et complète, par conséquent la représentation d’un objet individuel, mais qui n’est pas occasionnée directement par une impression sur les sens et qui, à ce titre, n’appartient pas à la matière de l’expérience. Mais il faut encore bien distinguer un fantôme d’une notion, alors même qu’on emploie le premier comme représentant d’une notion. Ceci a lieu quand on veut avoir la représentation perceptible elle-même, qui a servi à créer la notion, et qu’on la veut correspondante à cette notion, ce qui n’est jamais possible ; car, par exemple, il n’y a pas de perception possible du chien en général, de la couleur, du triangle, du nombre en général ; il n’y a pas de fantôme correspondant à cette notion. Alors on évoque le fantôme de n’importe quel chien ; comme représentation, il doit être absolument déterminé ; il doit avoir une certaine grandeur, une certaine forme, une certaine couleur, etc. ; tandis que la notion, dont il est le représentant, n’a aucun de ces caractères. Mais, en faisant usage de semblables représentants des concepts, on a toujours la conscience qu’ils ne sont pas adéquats à la notion qu’ils représentent, mais qu’ils sont revêtus d’une foule de déterminations arbitraires. Hume, dans ses Essays on human understanding, ess. 12, à la fin de la 1re partie,