Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
217
SUJET DE LA CONNAISSANCE ET OBJET

Si vous prétendez que connaissance et conscience de la connaissance sont deux choses distinctes, essayez donc une fois de les avoir chacune séparément, c’est-à-dire de connaître à un certain moment sans en avoir la conscience, puis une autre fois de savoir que vous connaissez sans que ce « savoir » soit en même temps le « connaître ». Sans doute, on peut faire abstraction de toute connaissance spéciale, et arriver ainsi à la proposition « Je connais » qui est la dernière abstraction dont nous soyons capable ; mais cette proposition est identique avec celle-ci : « Il existe des objets pour moi, » et cette dernière est identique avec cette autre : « Je suis sujet, » laquelle on renferme autre chose que le simple moi.

On pourrait encore demander, du moment que le sujet ne se connaît pas, d’où connaît-il ses différentes facultés de connaissance, sensibilité, entendement, raison. Celles-ci ne nous sont pas connues par le fait que la connaissance est devenue objet par rapport à nous ; sans quoi il n’y aurait pas à leur égard tant d’opinions contradictoires ; elles sont inférées, ou, plus exactement, ce sont des expressions générales pour désigner les différentes classes de représentations que nous avons énumérées, classes que, de tout temps, on a distinguées dans ces facultés de connaissance, avec plus ou moins de précision. Mais à l’égard du sujet, c’est-à-dire de ce corrélatif nécessaire, comme condition des représentations, on peut les abstraire des représentations, aux différentes classes desquelles elles se rapportent, par conséquent, exactement comme le sujet en général à l’objet en général.