Si vous prétendez que connaissance et conscience de la connaissance sont deux choses distinctes, essayez donc une fois de les avoir chacune séparément, c’est-à-dire de connaître à un certain moment sans en avoir la conscience, puis une autre fois de savoir que vous connaissez sans que ce « savoir » soit en même temps le « connaître ». Sans doute, on peut faire abstraction de toute connaissance spéciale, et arriver ainsi à la proposition « Je connais » qui est la dernière abstraction dont nous soyons capable ; mais cette proposition est identique avec celle-ci : « Il existe des objets pour moi, » et cette dernière est identique avec cette autre : « Je suis sujet, » laquelle on renferme autre chose que le simple moi.
On pourrait encore demander, du moment que le sujet ne se connaît pas, d’où connaît-il ses différentes facultés de connaissance, sensibilité, entendement, raison. Celles-ci ne nous sont pas connues par le fait que la connaissance est devenue objet par rapport à nous ; sans quoi il n’y aurait pas à leur égard tant d’opinions contradictoires ; elles sont inférées, ou, plus exactement, ce sont des expressions générales pour désigner les différentes classes de représentations que nous avons énumérées, classes que, de tout temps, on a distinguées dans ces facultés de connaissance, avec plus ou moins de précision. Mais à l’égard du sujet, c’est-à-dire de ce corrélatif nécessaire, comme condition des représentations, on peut les abstraire des représentations, aux différentes classes desquelles elles se rapportent, par conséquent, exactement comme le sujet en général à l’objet en général.