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OBSERVATIONS GÉNÉRALES ET RÉSULTATS

§ 49. — La nécessité.

Le principe de la raison suffisante, sous tous ses aspects, est l’origine unique et le support unique de toute nécessité. Car nécessité n’a pas d’autre signification vraie et claire que celle-ci : la raison étant donnée, la conséquence est infaillible. Dès lors toute nécessité dépend d’une condition ; une nécessité absolue, c’est-à-dire indépendante, est une « contradictio in adjecto ». En effet, être nécessaire signifie exclusivement résulter d’une raison donnée. Si l’on voulait le définir : « ce qui ne peut pas ne pas être », on ne donnerait qu’une définition de mots et l’on s’abriterait, pour éviter la définition de chose, derrière une idée des plus abstraites, mais d’où l’on peut être immédiatement débusqué par la question : comment est-il possible, ou comment peut-on penser qu’une chose ne puisse pas ne pas être, puisque toute existence ne nous est connue qu’empiriquement ? On voit clairement alors que cela n’est possible qu’en tant qu’une raison est donnée d’où la chose résulte. Être nécessaire et découler d’une raison donnée sont deux notions équivalentes qui, à ce titre, peuvent toujours se substituer l’une à l’autre. Cette notion favorite de nos pseudo-philosophes : « l’être absolument nécessaire, » contient donc une contradiction : l’attribut absolu (c’est-à-dire « ne dépendant de rien » ) annule la condition par laquelle seule l’attribut « nécessaire » est concevable et a un sens. Nous avons là un nouvel exemple de l’abus des concepts abstraits à l’usage de supercheries métaphysiques,