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DE LA PREMIÈRE CLASSE D'OBJETS POUR LE SUJET

passe pour un paradoxe. Mais le réalisme perd de vue que la soi-disant existence de ces objets réels n’est absolument rien autre qu’un état de représentation, ou, si l’on persiste a n’appeler état de représentation ϰατʹ ἐντελέχειαν, que la présence immédiate dans la conscience du sujet, alors elle n’est même que la possibilité du fait d’être représenté, ϰατά δύναμιν : il perd aussi de vue que, en dehors de son rapport au sujet, l’objet cesse d’être objet, et que, si on lui enlève ce rapport ou si l’on en fait abstraction, on supprime du même coup toute existence objective. Leibnitz qui sentait bien que la condition nécessaire de l’objet est le sujet, mais qui ne pouvait malgré tout s’affranchir de l’idée d’une existence en soi des objets, indépendante de leur rapport avec le sujet, c’est-à-dire indépendante du fait d’être représentés, admit dans le principe un monde des objets en soi, identique au monde des perceptions et marchant parallèlement à celui-ci ; auquel toutefois il n’est pas lié directement, mais rien qu’extérieurement, au moyen d’une harmonia prœstabilita ; — évidemment la chose la plus superflue de la terre, puisqu’elle ne peut pas être perçue elle-même et que ce monde des représentations, identique à l’autre, n’en poursuit pas moins bien sa marche sans lui. Plus tard, quand il voulut mieux déterminer l’essence de ces objets existants en soi objectivement, il se trouva dans la nécessité de déclarer les objets en soi pour des sujets (monades), donnant par là même la preuve la plus parlante que notre conscience, en tant que purement connaissante, donc dans les bornes de l’intellect, c’est-à-dire de l’appareil pour le monde des perceptions, ne peut