Page:Schopenhauer - De la quadruple racine, 1882, trad. Cantacuzène.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
RAISON SUFFISANTE DU DEVENIR

quant à sa substance (sa matière), ce qui implique une impossibilité radicale et est absolument inimaginable. La certitude avec laquelle nous établissons ce fait à l’avance (à priori) provient de ce que notre entendement manque entièrement d’une forme sous laquelle il puisse concevoir la naissance ou la destruction de la matière ; car la loi de causalité, qui est la forme unique sous laquelle nous puissions concevoir les changements en général, ne se rapporte toujours qu’aux états des corps et nullement à l’existence de ce qui supporte les changements de la matière. C’est pourquoi je pose le principe de la permanence de la substance comme un corollaire de la loi de causalité. Nous ne pouvons non plus avoir acquis la conviction de la permanence de la substance à posteriori, en partie parce que, dans la plupart des cas, l’état de cause est impossible à constater empiriquement ; en partie parce que toute connaissance empirique, acquise par une pure induction, n’est jamais qu’approximative, par conséquent n’offre toujours qu’une certitude précaire, et jamais absolue : c’est pourquoi aussi la fermeté de notre conviction à l’égard de ce principe est d’une tout autre espèce et d’une tout autre nature que celle de l’exactitude de n’importe quelle loi naturelle obtenue empiriquement ; car la première a une solidité inébranlable, qui ne chancelle jamais. Cela vient précisément de ce que ce principe exprime une connaissance transcendantale, c’est-à-dire qui détermine et fixe avant toute expérience tout ce qui, de quelque façon que ce soit, est possible dans toute expérience ; mais par là même le monde expérimental est abaissé au rang