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la volonté devant la perception extérieure

trouve encore renforcée par la fausse interprétation du témoignage de la conscience : « Je peux faire ce que je veux », surtout lorsque ce témoignage, qui accompagne du reste tous nos actes, se fait entendre à nous au moment même où s’exerce l’influence de plusieurs motifs, s’excluant l’un l’autre, et sollicitant tour à tour la volonté.

Telle est, dans toute sa complexité, la source de l’illusion naturelle qui nous fait croire à tort que la conscience affirme l’existence du libre arbitre, en ce sens que, contrairement à tous les principes à priori de la raison pure et à toutes les lois naturelles, la volonté seule soit une force capable de se décider sans raison suffisante, dont les résolutions, en des circonstances données, pour un seul et même individu, puissent incliner indifféremment dans une direction ou dans l’autre.

Pour élucider d’une façon spéciale et aussi claire que possible l’origine de cette erreur si importante pour notre thèse, et compléter par là l’étude du témoignage de la conscience entreprise au chapitre précédent, nous allons nous figurer on homme, qui, se trouvant par exemple à la rue, se dirait : « Il est à présent six heures du soir, ma journée de travail est finie. Je peux maintenant faire une promenade ; ou bien je peux aller au club ; je peux aussi monter sur la tour, pour voir le coucher du soleil ; je peux aussi aller au théâtre,