Page:Schopenhauer - Essai sur le libre arbitre, 1880, trad. Reinach.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
la volonté devant la perception extérieure

circonstances correspondant à chaque cas. Son erreur, et en général l’illusion provenant ici d’une fausse interprétation du témoignage de la conscience (qu’il puisse, en un instant donné, accomplir indifféremment ces divers actes), repose, à y regarder de près, sur ce fait, que son imagination ne peut se rendre présente qu’une seule image à la fois, laquelle, au moment où elle lui apparaît, exclut toutes les autres. Si maintenant il se représente le motif d’une de ces actions proposées comme possibles, il en sent immédiatement l’influence sur sa volonté, qui est sollicitée par lui : le terme technique pour désigner ce mouvement est velléité[1]. Mais il s’imagine qu’il peut aussi transformer cette velléité en volition c’est-à-dire accomplir l’action qu’il envisage actuellement : et c’est en cela que consiste son illusion. Car aussitôt la réflexion interviendrait et rappellerait à son souvenir les motifs agissant sur lui dans d’autres sens, ou les motifs contraires : et alors il verrait qu’il ne peut pas réaliser cette action. Pendant que des motifs s’excluant l’un l’autre se succèdent de la sorte devant l’esprit, avec l’accompagnement perpétuel de l’affirmation intérieure : « Je peux faire ce que je veux, » la volonté se meut comme une gi-

  1. C’est la velléité à proprement parler, que Schopenhauer a confondue plus haut (p. 30) avec le désir.