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essai sur le libre arbitre

tère, et si je poussais l’abnégation jusqu’à la sainteté, alors je pourrais vouloir pareille chose : mais alors aussi je ne pourrais pas m’empêcher de la faire, et je la ferais nécessairement. — Tout cela s’accorde parfaitement avec le témoignage de la conscience « je peux faire ce que je veux », où aujourd’hui encore quelques philosophâtres sans cervelle s’imaginent trouver la preuve du libre arbitre[1], et qu’ils font valoir en conséquence comme une vérité de fait que la conscience atteste. Parmi ces derniers se distingue M. Cousin, qui mérite sous ce rapport une mention honorable, puisque dans son Cours d’Histoire de la Philosophie, professé en 18191820, et publié par Vacherot, 1841, il enseigne que le libre arbitre est le fait le plus certain dont témoigne la conscience (vol. I, p. 19, 20) ; et il blâme Kant de n’avoir démontré la liberté que par la loi morale, et de l’avoir énoncée comme un postulat, tandis qu’en vérité elle est un fait : « Pourquoi démontrer ce qu’il suffit de constater ? » (Page 50). « La liberté est un fait, et non une croyance » (Ibid.). — D’ailleurs il ne manque pas

  1. Maine de Biran, Fénelon, Bossuet, et même Descartes « notre grand Descartes, le fondateur de la philosophie subjective, » comme l’appelle quelque part Schopenhauer, ont admis la liberté d’indifférence comme un fait attesté par la conscience, sans mériter pourtant, à ce qu’il semble, l’épithète peu courtoise que Schopenhauer inflige à M. Cousin.