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LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

corrige néanmoins jamais complètement ; bientôt, malgré de sérieuses résolutions, malgré des promesses sincères, il s’égare de nouveau, quand l’occasion s’en présente, sur le même sentier qu’auparavant, et s’étonne lui-même quand on le surprend à mal faire[1]. Sa connaissance seule peut être redressée : on peut arriver à lui faire comprendre que tels ou tels moyens, qu’il employait autrefois, ne conduisent pas à son but, ou lui procurent plus de dommage que de profit : alors il change de moyens, mais non de but. C’est là le principe du système pénitencier américain : il ne se propose pas d’améliorer le caractère, le cœur même du coupable, mais plutôt de rétablir l’ordre dans sa tête, et de lui montrer que ces mêmes fins, qu’il poursuit nécessairement en vertu de sa nature et de son caractère, lui coûteront à atteindre beaucoup plus de difficulté, de fatigue, et de danger, sur le chemin de la malhonnêteté suivi par lui jusque-là, que sur la voie de la probité, du travail et de la tempérance. En général ce n’est que jusqu’à la région de la connaissance que s’étend la sphère de toute amélioration possible et de tout

  1. Les poètes anciens ont souvent exprimé cette vérité, mais aucun ne l’a fait avec autant de vigueur que Perse (V, 159) :
    Nam et luctata canis nodum abripit : attamen illi
    Quum fugit, a collo trahitur pars longa catenæ.