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LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

Au contraire, dans l’hypothèse du libre arbitre, la vertu et le vice, ou plus généralement ce fait, que deux hommes semblablement élevés, dans des circonstances tout à fait pareilles, et soumis aux mêmes influences, puissent agir tout différemment, voire même de deux façons diamétralement opposées, sont des choses dont il est absolument impossible de se rendre compte. La dissemblance effective, originelle, des caractères, est inconciliable avec la supposition d’un libre arbitre consistant en ce que tout homme, dans quelque position qu’il se trouve, puisse agir également bien de deux façons opposées. Car alors il faudrait qu’à l’origine son caractère fût une tabula rasa, comme l’est l’intelligence d’après Locke, et n’eût d’inclination innée ni dans un sens, ni dans un autre ; parce que toute tendance primitive supprimerait déjà le parfait équilibre, tel qu’on se le figure dans l’hypothèse de la


    le bon vieil historien, il y a dix-huit cents ans, n’avait certainement jamais rêvé. Hobbes l’a relevé le premier, et après lui Priestley. Ensuite Schilling l’a reproduit, à la p. 478 de sa dissertation sur la liberté, dans une traduction légèrement faussée au profit de sa thèse ; c’est pour cela qu’il ne cite pas le nom de Velleius Paterculus, mais se contente de dire, avec autant de réserve que de majesté : « un Ancien ». Enfin je n’ai pu m’empêcher de le citer à mon tour, puisqu’il est véritablement ici à sa place. » (Note de Schopenhauer.) — La vertu suprême ne détruit pas plus le libre arbitre que la vie spirituelle n’anéantit la personnalité : elle l’achève au contraire, et en est la plus haute expression. — Cf. Jouffroy, Mélanges Philosophiques, p. 361 sqq.