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essai sur le libre arbitre

tout autant en contradiction avec nos convictions morales, qu’avec le principe fondamental que domine tout noire entendement (le principe de raison suffisante), comme il a été démontré plus haut.

La nécessité avec laquelle les motifs, ainsi que toutes les causes en général, exercent leur action, n’est donc pas une doctrine qui ne repose sur rien. Nous avons maintenant appris à connaître le fait qui lui sert de base, le sol même sur lequel elle s’appuie, je veux dire le caractère inné et individuel. De : même que chaque effet dans la nature inorganique est le produit nécessaire de deux facteurs, qui sont d’une part la force naturelle et primitive dont l’essence se révèle en lui, et de l’autre la cause particulière qui provoque cette manifestation ; ainsi chaque action d’un homme est le produit nécessaire de son caractère, et du motif entré en jeu. Ces deux facteurs étant donnés, l’action résulte inévitablement. Pour qu’une action différente pût se produire, il faudrait qu’on admît l’existence d’un motif différent ou d’un autre caractère. Aussi l’on pourrait prévoir, et même calculer d’avance avec certitude chaque action, si le caractère n’était pas très-difficile à déterminer exactement, et si les motifs ne restaient pas souvent cachés, et toujours exposés aux contre-coups d’autres motifs[1], qui seuls peuvent pénétrer dans la sphère

  1. Les motifs moraux.