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LA VOLONTÉ DEVANT LA PERCEPTION EXTÉRIEURE

d’innombrables témoignages, issus de sources dignes de foi, ont établi l’exactitude (la possibilité) de cette anticipation de l’avenir.

J’ajoute encore quelques considérations, comme corollaires à la doctrine ci-dessus établie, relativement à la nécessité de tous les événements. Que deviendrait le monde, si la nécessité n’était


    en est une conséquence. À Rome, quand on ne crut plus à Jupiter, on crut à Apollonius de Tyane : Schopenhauer, qui ne croit pas en Dieu, croit aux devins et aux somnambules. — Un peintre distingué, M. Lunteschutz, qui fut pendant de longues années un des amis les plus intimes de Schopenhauer, dont il nous a conservé un très-beau portrait à l’huile (aujourd’hui à Francfort, dans un salon de l’Hôtel d’Angleterre), me communique à ce sujet les renseignements suivants : « Dans le commerce familier, Schopenhauer parlait souvent de rêves, de somnambulisme, de magnétisme, et il ne cachait point sa crédulité à cet égard. Il m’a raconté aussi beaucoup d’histoires de revenants, dont il ne semblait pas mettre en doute l’authenticité, car il les racontait avec la plus grande émotion… Je n’ai pas connaissance qu’il ait jamais consulté lui-même des somnambules… Pour ce qui est des prophéties, il n’y croyait pas moins fermement qu’à l’apparition des esprits. Je me souviens qu’un jour il me faisait remarquer que cette croyance à la divination se retrouve dans les traditions religieuses de tous les peuples et dans les œuvres de leurs grands poètes. » Ces défaillances du caractère trahissent les défauts de la doctrine. Combien il serait à désirer que tous ceux qui ont vu de près Schopenhauer rassemblassent avec soin, comme l’a fait M. Lindner, tous les souvenirs qu’ont laissés en eux ses interminables conversations ! La philosophie de Schopenhauer ne sera bien jugée que lorsque le philosophe lui-même sera complètement connu, avec ce mélange de grandes qualités, de bizarreries et de faiblesses, qui font de lui une des figures les plus originales du siècle.