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mes prédécesseurs

qui prédisent la venue du Christ. Mais ces témoignages sont innombrables ; bien plus, ils sont l’Écriture tout entière. Aussi, si l’Écriture doit être juge de ce différend, notre victoire sera si complète qu’il ne restera même plus à nos adversaires une seule lettre, un seul iota qui ne condamne la croyance au libre arbitre. »

Passons maintenant aux philosophes. Les anciens ne sont pas à consulter sérieusement sur cette question, parce que leur philosophie, pour ainsi dire encore à l’état d’innocence (d’enfance), ne s’était pas fait une idée adéquate des deux problèmes les plus profonds et les plus graves de la philosophie moderne, à savoir celui du libre arbitre et celui de la réalité du monde extérieur, ou du rapport de l’idéal et du réel. Quant au degré de clarté et de compréhension auquel ils avaient amené la question du libre arbitre, c’est ce dont on peut se rendre compte d’une façon satisfaisante par l’Éthique à Nicomaque d’Aristote (III, c. 1-8) ; on reconnaîtra que son jugement à ce sujet ne concerne essentiellement que la liberté physique et intellectuelle, et c’est pourquoi il ne parle jamais que de ἑϰούσιον (volontaire) et de ἀϰούσιον (involontaire), confondant les actes volontaires avec les actes libres. Le problème beaucoup plus difficile de la Liberté morale ne s’est pas encore présenté à lui, quoique par moments sa