Page:Schopenhauer - Essai sur le libre arbitre, 1880, trad. Reinach.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
137
mes prédécesseurs

À cela, l’interlocuteur (Évode) répond : « Vous venez de dire précisément ce qui m’embarrasse quand j’approfondis cette matière. » — Cette difficulté si sérieuse a été reprise de nouveau par Luther, et mise en lumière par lui avec toute la fougue de son éloquence (De servo arbitrio. p. 144) : « Que Dieu, par sa propre liberté, doive nous imposer à nous la nécessité, c’est ce que la raison naturelle elle-même nous force d’avouer. — Si l’on accorde à Dieu la prescience et la toute-puissance, il suit naturellement, par une conséquence irréfragable, que nous ne sommes pas créés par nous-mêmes, que nous ne vivons ni n’agissons en rien, si ce n’est par sa toute-puissance… La prescience et la toute-puissance divine sont dans une opposition diamétrale avec notre libre arbitre… Tous les hommes sont forcés d’admettre, par une conséquence inévitable, que nous n’existons pas par notre volonté, mais par la nécessité ; de même que nous n agissons point à notre gré, en vertu d’un libre arbitre qui serait en nous, mais que Dieu a tout prévu et qu’il nous mène par un conseil et une vertu infaillible et immuable, etc. »

Au commencement du 17e siècle, nous rencontrons Vanini, qui est tout à fait pénétré de la même opinion. Elle est le principe et l’âme de sa révolte continuelle contre le Théisme, bien que, par égard pour l’esprit de son époque, il ait dû la dissimuler