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essai sur le libre arbitre

blement coupé cette langue qui avait blasphémé contre Dieu. On sait à la vérité que c’est là le seul argument puissant des théologiens, et depuis qu’on les en a privés, les choses marchent pour eux tout à fait à reculons[1].

Parmi les philosophes dans le sens plus étroit du mot, Hume est, si je ne me trompe, le premier qui n’ait pas essayé d’éluder la grave difficulté soulevée d’abord par saint-Augustin ; au contraire (sans toutefois penser ni à St.-Augustin, ni à Luther, encore moins à Vanini), il l’expose ouvertement dans son Essai sur la liberté et la nécessité, où il s’exprime ainsi (ad finem) : « Le dernier auteur de toutes nos volitions est le créateur du monde, qui le premier imprima le mouvement à cette immense machine, et plaça tous les êtres dans cette position particulière d’où tout événement subséquent devait résulter par une nécessité inévitable. Les actions humaines peuvent donc ou bien ne renfermer aucune malice, comme procédant d’une cause si parfaite, ou si elles en renferment, elles doivent envelopper notre créateur dans le blâme qu’elles méritent, puisqu’on reconnaît qu’il en est la cause dernière et le véritable auteur. Car de même qu’un homme, qui a mis le feu à une

  1. « La théologie et la philosophie sont comme les deux plateaux d’une balance. Plus l’une monte, plus l’autre descend. » (Memorabilien, cité par M. Ribot).