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mes prédécesseurs

pro- plusieurs des écrivains philosophiques plus récents de l’Allemagne : la liberté d’indifférence, déguisée sous le nom de « liberté morale », passe à leurs yeux pour la chose du monde la plus assurée, absolument comme si tous les grands hommes que j’ai nommés plus haut n’avaient jamais vécu. Ils déclarent que le libre arbitre nous est immédiatement prouvé par la conscience, et que le témoignage de celle-ci l’établit d’une façon si inébranlable, que tous les arguments qui le combattent ne peuvent être que des sophismes. Cette sereine confiance provient tout simplement de ceci, que ces braves gens ne savent même pas ce qu’est et ce que signifie le libre arbitre ; dans leur naïveté, ils n’entendent par ce mot que la souveraineté de la volonté sur les membres du corps, souveraineté que jamais un homme raisonnable na révoquée en doute, et dont la fameuse affirmation « je peux faire ce que je veux » est une expression précise. Ils s’imaginent de très-bonne foi que c’est là ce qui constitue le libre arbitre, et sont tout fiers de le voir ainsi au-dessus de toute controverse. Voilà l’état de naïveté et d’ignorance auquel, après un passé si glorieux, la philosophie hégélienne a ramené la pensée en Allemagne ! À la vérité on pourrait crier à des gens de cette espèce :

« N’êtes-vous pas comme les femmes, qui toujours,
« En reviennent à leur premier mot,
« Après qu’on leur a parlé raison pendant des heures ? »