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appendice i

celle-ci peut se décider conformément à sa nature, c’est-à-dire au caractère individuel de l’homme, et par suite se manifester sans obstacle, diaprés son essence particulière : en ce cas l’homme est intellectuellement libre, ce qui signifie que ses actions sont le résultat véritable et non altéré de la réaction de sa volonté sous l’influence des motifs, qui, dans le monde extérieur, sont présents à son esprit comme à celui de tous les hommes. Par suite, elles lui sont alors imputables moralement aussi bien que juridiquement.

Cette liberté intellectuelle est abolie : 1° Lorsque l’intermédiaire des motifs, l’entendement, est troublé pour toujours ou seulement passagèrement ; 2° Lorsque des causes extérieures, dans certains cas particuliers, allèrent la conception nette des motifs. Le premier cas est celui de la folie, du délire, du paroxysme, de la passion, et de la somnolence qui résulte de l’ivresse ; le second est celui d’une erreur décidée et innocente, comme celle d’un homme qui verserait à boire à un autre un poison au lieu d’un médicament, ou qui, voyant entrer de nuit un domestique dans sa chambre, le prendrait pour un voleur et le tuerait, — et autres accidents semblables. Car dans l’un et l’autre de ces cas les motifs sont altérés, et la volonté ne peut pas se décider comme elle le ferait dans les mêmes circonstances, si l’intelligence les lui présentait sous leur aspect véritable. Les crimes commis dans de telles conditions ne sont pas légalement punissables. Car les lois partent de cette juste présomption, que la volonté ne possède pas la liberté morale (auquel cas on ne pourrait pas la diriger) ; — mais qu’elle est soumise à la contrainte nécessitante des motifs ; c’est pourquoi, à tous les mobiles pos-