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essai sur le libre arbitre

sante. Si un pareil attribut pouvait convenir à la volonté humaine, cela voudrait dire qu’une volonté individuelle, dans ses manifestations extérieures, n’est pas déterminée par des motifs, ni par des raisons d’aucune sorte, puisque autrement — la conséquence résultant d’une raison donnée, de quelque espèce qu’elle soit, intervenant toujours avec une nécessité absolue — ses actes ne seraient plus libres, mais nécessités. Tel était le fondement de la pensée de Kant, lorsqu’il définissait la liberté, « le pouvoir de commencer de soi-même une série de modifications. » Car ces mots « de soi-même, » ramenés à leur vraie signification, veulent dire « sans cause antécédente, » ce qui est identique à « sans nécessité. » De sorte que cette définition, bien qu’elle semble en apparence présenter le concept de la liberté comme un concept positif, permet à une observation plus attentive d’en mettre de nouveau en évidence la nature négative.

Une volonté libre, avons-nous dit, serait une volonté qui ne serait déterminée par aucune raison, c’est-à-dire par rien, puisque toute chose qui en détermine une autre est une raison ou une cause[1] ; une volonté, dont les manifestations individuelles

  1. Schopenhauer a distingué nettement la raison et la cause dans sa Dissertation sur le Quadruple Principe, etc. P. 7-22. Elles diffèrent comme le principe de raison suffisante diffère du principe de causalité. (V. Fouillée, Phil. de Platon, t. II, p. 468).