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la volonté devant la conscience

santerie. Pourquoi cela ? C’est que cette certitude que le sens intime lui fournit (certitude qui a bien son importance), est constamment présente à son esprit ; et, s’il l’interprète mal, c’est que l’homme étant avant tout et essentiellement un être pratique, non théorique, acquiert une connaissance beaucoup plus claire du côté actif de ses volitions, c’est-à-dire de leurs effets sensibles, que de leur côté passif, c’est-à-dire de leur dépendance. Aussi est-il malaisé de faire concevoir à l’homme qui ne connaît point la philosophie la vraie portée de notre problème, et de l’amener à comprendre clairement que la question ne roule pas sur les conséquences, mais sur les raisons et les causes de ses volitions. Certes, il est hors de doute que ses actes dépendent uniquement de ses volitions ; mais ce que l’on cherche maintenant à savoir, c’est de quoi dépendent ces volitions elles-mêmes, ou si peut-être elles seraient tout à fait indépendantes. Il est vrai qu’il peut faire une chose, quand il la veut, et qu’il en ferait tout aussi bien telle autre, s’il la voulait à son tour : mais qu’il réfléchisse, et qu’il songe s’il est réellement capable de vouloir l’une aussi bien que l’autre. Si donc, reprenant notre interrogatoire, nous posons la question à notre homme dans ces termes : « Peux-tu vraiment, de deux désirs opposés qui s’élèvent en toi, donner suite à l’un aussi bien qu’à l’autre ? Par