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la volonté devant la conscience

à offrir. Car la conscience n’est qu’une partie très-restreinte de notre entendement, lequel, obscur au dedans, est dirigé vers le monde extérieur de toutes les énergies dont il dispose. Toutes ses connaissances parfaitement sûres, c’est-à-dire certaines à priori, concernent seulement le monde extérieur, et là il peut, en appliquant certaines lois générales, qui ont en lui-même leur fondement, distinguer d’une façon infaillible ce qui est possible au dehors et ce qui est impossible, ce qui est nécessaire et ce qui ne l’est pas. C’est ainsi qu’ont été établies les mathématiques pures, la logique pure, et même les bases de la science naturelle, toutes à priori. Ensuite l’application de ces formes, connues à priori, aux données fournies par la perception sensible, lui ouvre un accès sur le monde visible et réel, et en même temps lui rend possible l’expérience[1] : plus tard, l’application de la logique et de la faculté de penser, qui en est la base, à ce monde extérieur révélé par les sens, lui fournira les concepts, ouvrira à son activité le monde des idées, et par suite permettra aux sciences de naître et à leurs résultats de fructifier à leur tour. C’est donc dans le monde extérieur que l’intelligence voit devant elle beaucoup de

  1. C’est la meilleure réfutation de l’empirisme. Bien loin que l’expérience puisse nous donner les premiers principes, elle est impossible sans eux, et les présuppose.