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essai sur le libre arbitre

lumière et de clarté. Mais à l’intérieur il fait sombre, comme dans un télescope bien noirci : aucun principe à priori n’éclaire la nuit de notre for intérieur ; ce sont des phares qui ne rayonnent que vers le dehors. Le sens intime, comme on l’a prouvé plus haut, ne perçoit directement que la volonté, aux différentes émotions de laquelle tous les sentiments dits intérieurs peuvent être ramenés. Mais tout ce que cette perception intime de la volonté nous fait connaître se ramène, comme on l’a vu précédemment, au vouloir et au non-vouloir ; c’est à elle en outre que nous devons cette certitude tant prônée qui se traduit par l’affirmation : « ce que je veux, je peux le faire », et qui revient en vérité à ceci « chaque acte de ma volonté se manifeste immédiatement à ma conscience (par un mécanisme qui m’est tout à fait incompréhensible), comme un mouvement de mon corps. » À y regarder de près, il n’y a là pour le sujet qui l’affirme qu’un principe résultant de l’expérience[1]. Mais au-delà, on n’y découvre plus rien. Le tribunal que nous avons consulté est donc incompétent pour résoudre la question soulevée : bien plus, interprétée dans son véritable sens, elle ne

  1. On objecterait avec raison que pour expliquer le premier mouvement volontaire, il faut admettre déjà un sentiment au moins implicite de notre pouvoir sur nos organes. L’assertion de Schopenhauer (reprise de Hume) est donc un cercle.