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la volonté devant la perception extérieure

bli plus haut. Tout d’abord nous observons entre ces objets un certain nombre de différences fondamentales profondément marquées, d’après lesquelles, du reste, on les a classés depuis longtemps : on distingue en effet les corps inorganiques, c’est-à-dire dépourvus de vie, des corps organiques, c’est-à-dire vivants, et ceux-ci à leur tour se divisent en végétaux et en animaux. Ces derniers, bien que présentant des traits de ressemblance essentiels, et répondant à une même idée générale, nous paraissent former une chaîne continue extrêmement variée et finement nuancée (sic), qui monte par degré jusqu’à la perfection[1] depuis l’animal rudimentaire qui se distingue à peine de la plante, jusqu’aux êtres les plus capables et les plus achevés, qui répondent le mieux à l’idée de

  1. Un des mérites les plus incontestables de Schopenhauer est ce profond sentiment de la continuité de la nature, et de l’étroite parenté des êtres des trois règnes. Il va trop loin en attribuant la volonté aux végétaux — encore le mot volonté a-t-il chez lui un sens beaucoup plus général qu’en français : — mais les expériences récentes de M. Claude Bernard démontrent, contrairement à l’axiome de Cuvier, qu’il faut accorder au moins aux plantes une sensibilité inconsciente, et fort analogue à celle de certains animaux. (Congrès de Clermont, 1876. — Les pages que l’on va lire sont d’une haute valeur philosophique, et Schopenhauer a avoué lui-même (Diss. sur la Quadr. Racine, etc.) qu’il en était fort satisfait. Il est extrêmement curieux de les rapprocher d’un passage analogue de la belle thèse de M. Ravaisson sur l’Habitude (1838) : ce sont les mêmes idées, quelquefois les mêmes expressions chez les deux philosophes.