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CONFIRMATION DU FONDEMENT DE LA MORALE.

dans l’Ancien Testament, au § 177 du 2e  vol. de mes Parerga. Il faut le dire encore à la gloire des Anglais, ils sont les premiers chez qui le législateur ait sérieusement entrepris de protéger aussi les bêtes contre des traitements cruels : là, le gredin qui fait souffrir des animaux le paie, et il n’importe que les victimes soient sa propriété. Ce n’est pas assez : à Londres une société s’est formée spontanément pour la protection des bêtes, Society for the prevention of cruelty to animals[1] ; avec ses ressources privées, à grands frais, elle travaille activement à préserver les bêtes de toute torture. Elle a des émissaires secrets qui vont partout, qui ensuite dénoncent quiconque torture ces êtres incapables de parler, mais non de souffrir : il n’est pas d’endroit où l’on n’ait à redouter leur regard[2]. Auprès des ponts de Londres, où la pente

  1. Société pour prévenir les cruautés envers les animaux. (TR.)
  2. On va voir si cela est sérieux, par un exemple tout récent, que j’emprunte au Birmingham-Journal de décembre 1839 : « Arrestation d’une société de quatre-vingt-quatre amateurs de combats de chiens. — La Société des Amis des animaux avait appris qu’hier sur l’esplanade, rue du Renard, devait avoir lieu un combat de chiens ; elle prit des mesures pour s’assurer le concours de la police : un fort détachement de police marcha en effet vers le lieu du combat, et le moment venu, arrêta toutes les personnes présentes. Tous ces complices furent attachés deux par deux, menottes aux mains ; une longue corde qui passait entre eux reliait toutes les files ; en cet appareil, ils furent conduits au bureau de police, où siégeaient le maire et le juge de paix. Les deux chefs furent condamnés chacun à une amende de 1 livre sterling, plus 8 schellings 1/2 de frais, la durée de la contrainte par corps étant fixée à quatorze jours de travail pénible dans une maison de correction. Les autres furent relâchés. » — Tous ces beaux-fils, qui ne manquent pas une occasion de goûter ce plaisir et d’autres aussi nobles, ont dû avoir au milieu de cette procession l’air un peu gêné. — Un exemple plus frappant encore et plus récent s’offre à moi dans le Times du 6 avril 1855, p. 6, et de plus, c’est ce journal lui-même qui se fait ici l’exécuteur. Il raconte un fait qui vient d’être évoqué devant les tribunaux : il s’agit de la fille d’un opulent baronet écossais, qui, pour avoir cruellement maltraité son cheval à coup de rondin et à coups de couteau, s’est vue condamner à 5 livres sterling d’amende. Mais pour elle, qu’est-ce que cela ? Elle resterait donc en fait impunie, si le Times n’intervenait pour lui infliger un châtiment convenable et qui la touche : il