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COUP D’ŒIL RÉTROSPECTIF D’ENSEMBLE.

pas complet, mais suffisant pour l’essentiel, des tentatives antérieures dans la « Revue des principes les plus importants de la doctrine des mœurs » de Garve, et aussi dans « l’Histoire de la philosophie morale », de Stäudlin, et autres ouvrages semblables. — Sans doute, il est décourageant de songer que l’éthique, une science qui intéresse directement notre vie, ait eu un sort aussi malheureux que la métaphysique même, cette science abstruse, et qu’après les bases posées par Socrate, après tant de travaux incessants, elle en soit encore à chercher son premier principe. Car dans l’éthique, plus qu’en aucune autre science, l’essentiel se trouve tout dans les premières propositions : le reste s’en déduit facilement, et va de soi-même. Tous savent conclure, peu savent juger. Et c’est bien pour cela que les gros livres, les doctrines et les leçons de morale, sont aussi inutiles qu’ennuyeux. Toutefois, je dois supposer connus au préalable tous les fondements de la morale jusqu’ici proposés : et cela me soulage. Celui qui aura jeté un coup d’œil sur les philosophes anciens et modernes (quant au moyen âge, les dogmes de l’Église lui suffirent), sur les arguments si variés, parfois si étranges dont ils ont essayé pour trouver une base qui satisfît aux exigences, généralement admises, de la morale, et sur leur évident insuccès ; celui-là pourra mesurer la difficulté du problème, et juger par là de la valeur de mon œuvre. Et quiconque aura vu combien les voies qu’on a jusqu’ici suivies conduisent peu au but, sera plus disposé à en tenter avec moi une toute différente, qu’on a jusqu’ici ou manqué de voir, ou négligée, peut-être parce qu’elle était la plus naturelle[1]. En somme, ma solution du problème rappellera à plus d’un lecteur l’œuf de Colomb.

  1. Io dir non vi saprei per qual sventura,
    O piuttosto per qual fatalità,
    Da noi credito ottien più l’impostura,
    Che la semplice e nuda verità.

    (Casti).

    (Je ne puis dire par quel hasard, ou plutôt par quel fatal destin, l’imposture a auprès de nous plus de crédit, que la vérité simple et nue.)