Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/172

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aux idées vaincues un degré d’analogie d’une puissance supérieure. La volonté s’objective d’une façon plus compréhensible ; et alors se forment, d’abord par génération équivoque et ensuite par assimilation au germe existant, la sève organique, la plante, l’animal, l’homme. Ainsi, de la lutte des phénomènes inférieurs résulte le phénomène supérieur, qui les engloutit tous, mais qui en même temps réalise leur aspiration constante vers un état plus élevé. — Ici donc, il y a déjà place pour la loi : Serpens, nisi serpentent comederit, non fit draco.

Je voudrais, si c’était possible, exposer assez clairement ces idées pour triompher de l’obscurité qui s’y attache ; mais je compte sur les réflexions propres du lecteur pour me venir en aide, au cas où je devrais être incompris ou mal compris. — Conformément à notre point de vue, on pourra constater sans doute, dans l’organisme, les traces de toutes sortes d’activités physiques ou chimiques, mais on ne pourra jamais l’expliquer par elles ; car il n’est pas un phénomène produit par l’activité combinée de ces forces, c’est-à-dire accidentellement, mais une idée supérieure qui s’est soumis toutes les autres idées inférieures par une assimilation triomphante, parce que cette volonté unique qui s’objective dans toute idée, tendant toujours à la plus haute objectivation possible, quitte ici les degrés inférieurs de son phénomène, après leur conflit, pour apparaître d’autant plus énergique sur un échelon supérieur. Il n’y a pas de victoire sans combat : l’idée supérieure, ou objectivation de la volonté, ne peut se produire qu’en l’emportant sur les inférieures, et elle a à triompher de la résistance de celles-ci, qui, bien que réduites en servitude, aspirent toujours à manifester leur essence d’une façon indépendante et complète. De même que l’aimant qui élève un morceau de fer engage un combat opiniâtre avec la pesanteur, qui, en tant qu’objectivation la plus basse de la volonté, a un droit primordial sur la matière de ce fer, — combat dans lequel l’aimant se fortifie, parce que la résistance du fer exige de sa part un plus grand effort, — de même, et comme tout autre phénomène de la volonté, celui qui apparaît dans l’organisme humain entretient un combat perpétuel contre les nombreuses forces physiques et chimiques qui, en leur qualité d’idées inférieures, ont des droits antérieurs sur la même matière. Voilà pourquoi retombe le bras qu’on a tenu élevé pendant quelque temps en triomphant de la pesanteur. De là aussi les interruptions si fréquentes dans le sentiment de bien-être que procure la santé, laquelle exprime la victoire de l’idée, objectivée dans un organisme conscient, sur les lois physiques et chimiques qui gouvernaient à l’origine les sucs du corps ; et même ces interruptions sont toujours accompagnées d’un certain malaise plus ou moins