Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dernière ; la pensée dans son ensemble doit de sa clarté à chaque partie, et il n’est si petite partie qui puisse être entendue à fond, si l’ensemble n’a été auparavant compris. — Or il faut bien qu’un livre ait un commencement et une fin, et il différera toujours en cela d’un organisme ; mais, d’autre part, le contenu devra ressembler à un système organique : d’où il suit qu’ici il y a contradiction entre la forme et la matière.

Cela étant, il n’y a évidemment qu’un conseil à donner à qui voudra pénétrer dans la pensée ici proposée : c’est de lire le livre deux fois, la première avec beaucoup de patience, une patience qu’on trouvera si l’on veut bien croire bonnement que le commencement suppose la fin, à peu près comme la fin suppose le commencement, et même que chaque partie suppose chacune des suivantes, à peu près comme celles-ci la supposent à leur tour. Je dis « à peu près », car cela n’est pas exact en toute rigueur, et l’on n’a de bonne foi rien négligé de ce qui pouvait faire comprendre d’emblée des choses qui ne seront entièrement expliquées que par la suite, ni rien en général de ce qui pouvait contribuer à rendre l’idée plus saisissable et plus claire. On aurait même pu atteindre jusqu’à un certain point ce résultat, s’il n’arrivait pas tout naturellement que le lecteur, au lieu de s’attacher exclusivement au passage qu’il a sous les yeux, s’en va songeant aux conséquences possibles ; ce qui fait qu’aux contradictions réelles et nombreuses qui déjà existent entre la pensée de l’auteur, d’une part, et les opinions du temps et sans doute aussi du lecteur, d’autre part, il peut s’en venir ajouter d’autres, supposées et imaginaires, en assez grand nombre pour donner l’air d’un conflit violent d’idées à ce qui en réalité est un malentendu simple : mais on est d’autant moins disposé à y voir un malentendu, que l’auteur est parvenu à force de soins à rendre son exposé clair et ses expressions limpides au point de ne laisser aucun doute sur le sens du passage qu’on a immédiatement sous les yeux, et dont cependant il n’a pu exprimer à la fois tous les rapports avec le reste de sa pensée. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà dit, la première lecture exige de la patience, une patience appuyée sur cette idée, qu’à la seconde fois bien des choses, et toutes peut-être, apparaîtront sous un jour absolument nouveau. En outre, en s’efforçant consciencieusement d’arriver à se faire comprendre pleinement et même facilement, l’auteur pourra se trouver amené parfois à se répéter : on devra l’excuser sur la difficulté du sujet. La structure de l’ensemble qu’il présente, et qui ne s’offre pas sous l’aspect d’une chaîne d’idées, mais d’un tout organique, l’oblige d’ailleurs à toucher deux fois certains points de sa matière. Il faut accuser aussi cette structure spéciale, et l’étroite dépendance des parties entre elles, si je n’ai pu recourir à l’usage, précieux d’ordinaire,