Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 1, 1912.djvu/7

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d’une division en chapitres et paragraphes, et si je me suis réduit à un partage en quatre portions essentielles, qui sont comme quatre points de vue différents. En parcourant ces quatre parties, ce à quoi il faut bien avoir garde, c’est à ne pas perdre de vue, au milieu des détails successivement traités, la pensée capitale d’où ils dépendent, ni la marche générale de l’exposition. — Telle est ma première et indispensable recommandation au lecteur malveillant (je dis malveillant, parce qu’étant philosophe il a affaire en moi à un autre philosophe). Le conseil qui suit n’est pas moins nécessaire.

En effet, il faut, en second lieu, lire, avant le livre lui-même, une introduction qui, à vrai dire, n’est pas jointe au présent ouvrage, ayant été publiée il y a cinq ans sous ce titre : De la quadruple racine du principe de la raison suffisante ; essai de philosophie[1]. Faute de connaître cette introduction et de s’être ainsi préparé, on ne saurait arriver à pénétrer vraiment le sens du livre actuel ; ce qu’elle contient est supposé par cet ouvrage-ci, comme si elle en faisait partie. J’ajoute que si elle n’avait point paru il y a plusieurs années, elle ne pourrait toutefois pas être placée comme une introduction proprement dite en tête de cet ouvrage : elle devrait être incorporée au livre premier : celui-ci comporte en effet certaines lacunes, il y manque ce qui est exprimé dans l’essai ci-dessus indiqué ; de là des imperfections auxquelles on ne peut remédier qu’en se référant à la Quadruple racine. Mais je répugnais à l’idée de me recopier, ou de me torturer à chercher d’autres mots pour redire ce que j’ai déjà dit, et c’est pourquoi j’ai préféré l’autre parti : ce n’est pas cependant qu’il ne m’eût été possible de fournir, du contenu de l’essai précité, un exposé meilleur, ne fût-ce que par cette raison que je l’eusse débarrassé de certains concepts que m’imposait alors un respect excessif envers la doctrine de Kant, tels que les catégories, le sens intime et la sensibilité extérieure, etc. Toutefois, il faut le dire, si ces concepts subsistaient là, c’est uniquement parce que je ne les avais pas encore examinés assez à fond ; si bien qu’ils constituaient seulement un accessoire, sans lien avec mon objet essentiel, et qu’il est par suite facile au lecteur de faire lui-même les corrections nécessaires dans les quelques passages de l’essai auxquelles je pense ici. — Cette réserve faite, il faut avant tout avoir compris, avec l’aide de cet écrit, ce que c’est que le principe de raison suffisante, ce qu’il signifie, à quoi il s’étend et à quoi il ne s’applique pas, et enfin qu’il ne préexiste pas avant toutes choses, en telle manière que le monde entier existerait seulement en conséquence de ce principe et en conformité avec lui, comme son corollaire, mais au contraire qu’il est simplement la

  1. Cet ouvrage a été traduit en français par M. Cantacuzène. Un vol. in-8, Germer Baillière (1882).