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critique de la philosophie kantienne

devraient, de deux choses l’une, ou bien penser comme les hommes ou bien être totalement privés de représentations. — Ou bien Kant aurait-il voulu dire par hasard : Point d’objet sans sujet ? Cette vérité serait alors bien mal exprimée, et elle viendrait trop tard. — En résumant les explications de Kant, voici ce que nous trouvons : ce qu’il appelle unité synthétique de l’aperception, c’est en quelque sorte le centre de la sphère de nos représentations, point sans étendue vers lequel convergent tous leurs rayons ; c’est ce que j’appelle le sujet connaissant, le corrélatif de toutes les représentations ; c’est également ce que, dans un autre passage, je décris en détail et caractérise de la manière suivante : le foyer où convergent les rayons de l’activité cérébrale[1]. Pour ne point me répéter, je renvoie le lecteur au passage en question.


Je rejette toute la doctrine des catégories, et je la mets au nombre des hypothèses sans fondement qui, chez Kant, gâtent la théorie de la connaissance ; on le voit assez par la critique que je viens d’en faire, on le voit également par le relevé que j’ai dressé des contradictions de la Logique transcendantale, contradictions issues d’une confusion entre la connaissance intuitive et la connaissance abstraite ; j’ai en outre déjà signalé l’absence de toute conception claire et distincte concernant l’essence de l’entendement et de la raison : en effet dans les écrits de Kant nous n’avons trouvé sur ces deux facultés de l’esprit que des explications incohérentes, mal accordées ensemble, insuffisantes, inexactes. J’ai enfin motivé mon jugement par mes propres définitions de ces deux facultés de l’esprit ; je renvoie sur ce point à mon livre et à ses Suppléments, et pour plus de détails au Traité sur le principe de raison[2] ; les définitions en question sont très précises et très nettes ; elles sont évidemment empruntées à l’étude de notre connaissance, considérée dans son essence ; elles sont enfin pleinement d’accord avec le concept de nos deux facultés cognitives, tel qu’il s’exprime dans le langage usuel et dans les écrits de tous les temps et de tous les peuples, concept auquel d’ailleurs il ne manque rien, sinon d’être tiré au clair. Pour défendre mes définitions contre l’analyse si différente qui se trouve chez Kant, il suffit déjà en grande partie de signaler les défauts de cette exposition. — Malgré tout, pris en soi, ce tableau des jugements, sur lequel Kant fonde sa théorie de sa pensée et même toute sa philosophie, retrouve en somme sa justesse ; par suite je suis obligé de rechercher comment prennent

  1. Voyez ch. XXII des Suppléments.
  2. Dissertation sur la quadruple racine du principe de raison suffisante. §§ 21,26,34.