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le monde comme volonté et comme représentation

parler plus justement, de ces considérations transcendantales.

Dans les pages précédentes, pour ne pas rompre le fil de mon exposition, j’ai différé l’explication d’un point que j’avais touché : c’est qu’à mesure qu’en remontant la série animale on voit l’intellect gagner en développement et en perfection, la séparation entre la connaissance et la volonté s’accuse de plus en plus nettement, et la connaissance devient ainsi plus pure. L’essentiel sur ce sujet se trouve dans mon écrit De la volonté dans la nature sous la rubrique Physiologie générale (pages 68-72 de la seconde édition) ; j’y renvoie donc pour ne pas me répéter et me borne à y joindre ici quelques observations. La plante n’a ni irritabilité ni sensibilité, la volonté ne s’objective en elle que sous forme de plasticité ou de faculté reproductive ; elle n’a donc ni muscles ni nerfs. Au degré le plus bas du règne animal, chez les zoophytes, notamment chez les polypes, nous ne pouvons pas reconnaître encore distinctement la séparation de ces deux éléments, mais nous en supposons la présence, quoiqu’ils se trouvent encore fondus en un seul : car nous remarquons en eux des mouvements produits, non pas comme ceux de la plante, par de simples excitations, mais par des motifs, c’est-à-dire à la suite d’une certaine perception ; aussi voulons-nous voir en eux des animaux. À mesure maintenant qu’on s’élève dans la série animale, on voit se séparer de plus en plus nettement les systèmes nerveux et musculaire jusque dans les vertébrés et plus complètement encore chez l’homme où le système nerveux se divise en système nerveux organique et système nerveux cérébral, où ce dernier s’accroît à son tour jusqu’à former l’appareil si compliqué du cerveau et du cervelet, de la moelle allongée et de la moelle épinière, des nerfs cérébraux et rachidiens, des faisceaux de nerfs sensitifs et moteurs, destinés, le cerveau avec les nerfs sensitifs qui s’y rattachent, et les faisceaux postérieurs de nerfs rachidiens, à recevoir les motifs venus du monde extérieur, et tous les autres éléments, à transmettre ces motifs aux muscles, où la volonté se manifeste directement. Dans la même mesure on voit s’accuser de plus en plus la distinction entre le motif et l’acte volontaire qu’il provoque, c’est-à-dire entre la représentation et la volonté : il s’ensuit que l’objectivité de la conscience ne cesse pas de croître, avec la précision et la pureté des représentations qui s’y produisent. Mais ces deux séparations n’en font en réalité qu’une seule et même, envisagée ici par nous sous ses deux faces, la face objective et la face subjective, c’est-à-dire d’abord dans la conscience des autres choses, et ensuite dans la conscience de soi. C’est sur le degré de cette séparation que repose, en dernière analyse, la différence et la gradation des capacités intellectuelles, tant parmi les diverses espèces animales qu’entre les individus de l’espèce humaine : il donne ainsi la mesure de la