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du génie

l’intelligence. Ainsi, par exemple, l’Entelle (espèce de guenon du sous-genre des Semno-pithèques et l’un des singes vénérés dans la religion des Brames) a, dans le jeune âge, le front large, le museau peu saillant, le crâne élevé, arrondi, etc. Avec l’âge le front disparaît, recule, le museau proémine ; et le moral ne change pas moins que le physique : l’apathie, la violence, le besoin de solitude, remplacent la pénétration, la docilité, la confiance. » « Ces différences sont si grandes, dit M. Fr. Cuvier, que dans l’habitude où nous sommes de juger des actions des animaux par les nôtres, nous prendrions le jeune animal pour un individu de l’âge où toutes les qualités morales de l’espèce sont acquises, et l’Entelle adulte pour un individu qui n’aurait encore que ses forces physiques. Mais la nature n’en agit pas ainsi avec ces animaux, qui ne doivent pas sortir de la sphère étroite qui leur est fixée, et à qui il suffit en quelque sorte de pouvoir veiller à leur conservation. Pour cela l’intelligence était nécessaire, quand la force n’existait pas, et, quand celle-ci est acquise, toute autre puissance perd de son utilité. » Et page 118 : « La conservation des espèces ne repose pas moins sur les qualités intellectuelles des animaux, que sur leurs qualités organiques. » Cette dernière remarque confirme ma proposition que l’intellect, comme les serres et les dents, n’est autre chose qu’un instrument au service de la volonté.