Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/334

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cruels. Tibère, Caligula et enfin Néron en sont sortis. Déjà dans son grand-père, et plus marquées encore chez son père, se montrent toutes les effroyables qualités, qui ne pouvaient atteindre leur complet développement que dans Néron, à la fois à cause de son haut rang qui lui donnait plus libre carrière et de la ménade insensée qu’il avait pour mère, cette Agrippine privée de raison et incapable de lui léguer un intellect qui servît à réprimer ses passions. C’est donc tout à fait notre sens que Suétone a en vue, en racontant qu’à sa naissance prœsagio fuit etiam Domitii, patris, vox, inter gratulationes amicorum, negantis, quidquam ex se et Agrippina, nisi detestabile et malo publico nasci potuisse. — Cimon, au contraire, était fils de Miltiade, Hannibal était fils d’Hamilcar, et les Scipions forment toute une famille de héros et de nobles défenseurs de leur patrie. — Mais le pape Alexandre VI eut pour fils César Borgia, dans lequel on retrouvait sa hideuse image. Le fils du fameux duc d’Albe a été un homme aussi méchant et aussi cruel que son père. — Le rusé et injuste Philippe IV, ce roi de France connu surtout par la terrible persécution et l’exécution des Templiers, eut pour fille Isabelle, femme d’Edouard II d’Angleterre : celle-ci prit les armes contre son mari, s’empara de sa personne, et comme, après lui avoir arraché un acte d’abdication, elle ne pouvait réussir à provoquer sa mort par des mauvais traitements répétés, elle le fit mourir dans sa prison par des moyens trop atroces pour que je puisse les rapporter à mon tour. — Henri VIII d’Angleterre, tyran altéré de sang et défenseur de la foi (defensor fidei), eut pour fille d’un premier mariage cette reine Marie aussi remarquable par sa bigoterie que par sa cruauté, à laquelle les nombreuses exécutions d’hérétiques condamnés par elle au bûcher valurent le nom de « Marie la sanglante » (bloody Mary). Sa fille d’un second lit, Elisabeth, avait reçu de sa mère, Anne de Boleyn, une raison supérieure, qui n’admettait pas la bigoterie, et réfréna en elle le caractère paternel, mais sans l’étouffer ; de sorte qu’il continuait toujours à briller par éclairs à l’occasion et apparut au grand jour dans sa conduite cruelle à l’égard de Marie d’Écosse. — Van Geuns[1] nous parle, d’après Marcus Donatus, d’une jeune fille écossaise dont le père avait été brûlé comme voleur de grands chemins et anthropophage, alors qu’elle était à peine âgée d’un an : quoique élevée dans la suite au milieu de gens tout différents, elle ne put empêcher de se développer en elle avec l’âge le même appétit de la chair humaine, et, prise sur le fait pendant qu’elle satisfaisait cet appétit, elle fut enterrée vivante. — Dans le Libéral du 13 juillet 1821 nous lisons que, dans le dépar-

  1. Disputatio de corporum habitudine, animae, hujusque virium indice. Harderov, 1789, § 9.