Page:Schopenhauer - Le Monde comme volonté et comme représentation, Burdeau, tome 3, 1909.djvu/341

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il ajoute (Physiologie expérimentale, vol. I, § 306) : « En somme, l’élément masculin a plus d’influence sur la détermination de l’irritabilité ; l’élément féminin, au contraire, en a plus sur la sensibilité. » On peut rattacher encore à tout ceci ce que dit Linné, dans son Systema naturæ, tome I, p. 8 : « Mater prolifera promit, ante generationem, vivum compendium medullare novi animalis, suique simillimi, carinam Malpighianam dictum, tanquam plumulam vegetabilium : hoc ex genitura Cor ad sociat ramificandum in corpus. Punctum enim saliens ovi incubantis avis ostendit primum cor micans, cerebrumque cum medulla : corculum hoc, cessans a frigore, excitatur calido halitu, premetque bulla aerea, sensim dilatata, liquores, secundum canales fluxiles. Punctum vitalitatis itaque in viventibus est tanquam a prima creatione continuata medullaris vitæ ramificatio, cum ovum sit gemma medullaris matris a primordio viva, licet non sua ante proprium cor paternum. »

Nous venons de nous convaincre de l’hérédité du caractère paternel et de l’intellect maternel ; rapprochons maintenant cette certitude de nos considérations antérieures sur l’énorme distance mise par la nature, tant au point de vue moral qu’intellectuel, entre un homme et un autre ; rapprochons-la aussi de ce que nous savons sur l’entière invariabilité tant du caractère que des facultés intellectuelles ; ne sommes-nous pas conduits à cette opinion, qu’il y aurait pour la race humaine possibilité d’un ennoblissement réel et fondamental, produit moins du dehors que du dedans, c’est-à-dire bien moins par le moyen de l’enseignement et de la culture que par la voie de la génération ? Platon en a déjà eu quelque idée, quand, au cinquième livre de sa République, il exposait son étrange plan de multiplication et d’amélioration de sa caste guerrière. Si l’on pouvait châtrer tous les scélérats, jeter dans un cloître toutes les sottes, donner aux hommes de noble caractère tout un harem, et fournir à toutes les filles de bon sens et d’esprit des hommes, et des hommes tout à fait hommes, on verrait naître bientôt une génération qui nous rendrait, et au-delà, le siècle de Périclès. — Sans souscrire à des utopies de ce genre, on peut prendre en considération qu’établir, comme on l’a réellement fait, si je ne me trompe, chez quelques peuples anciens, pour peine la plus dure après la peine de mort, celle de la castration, serait faire grâce au monde de races entières de coquins ; résultat d’autant plus sûr même que la plupart des crimes, ainsi qu’on le sait, se commettent déjà entre vingt et trente ans[1]. Une autre question se poserait encore : ne vau-

  1. Lichtenberg dit dans ses Mélanges (Goettingue, 1801, vol. II, p. 447) : « En Angleterre il a été proposé de châtrer les voleurs. Le projet n’est pas mauvais : la peine est très rude, elle rend les gens méprisables, mais non incapables de s’occuper ; et si le vol est héréditaire, il cesse de se transmettre. De plus, le courage s’affaiblit, et comme, dans