Page:Schweitzer - J. S. Bach, le musicien-poète.djvu/363

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péties d’un texte doivent être, à la fois très simples et fortement marquées pour qu’on puisse se risquer à les retracer par les sons. Aussi les cas où il use de ce moyen sont-ils très rares.

De plus, quand il suit les indications d’un texte, il n’appuie pas à la façon prétentieuse des primitifs. On admirera de quelle façon modeste il souligne, dans les récitatifs de la Passion selon St. Matthieu, un mot par ci, un mot par là. Ce sont comme de légères inflexions de la musique, destinées à passer inaperçues. De même, dans les cantates et dans les chorals. Par contre, un motif nouveau apparaît-il dans le texte, la musique change aussitôt, car, pour Bach, une nouvelle image nécessite un nouveau thème. Ils ne sont pas rares, les grands chœurs, où deux et même trois thèmes successifs interviennent à tour de rôle parce que le texte les appelle. Ainsi dans la cantate « Siehe, ich will viel Fischer aussenden » (No. 88), écrite sur ce texte de Jérémie : « Voici, j’envoie une multitude de pêcheurs, dit l’Éternel, et ils les pécheront ; et après cela j’enverrai une multitude de chasseurs, et ils les chasseront. » La musique de la première partie dépeint le mouvement des vagues, car le mot « pêcheur » évoque un lac aux yeux de Bach ; dans la seconde moitié (Allegro quasi presto), ce sont les chasseurs qui parcourent la montagne : on entend des fanfares. Bien des airs présentent la même singularité : le thème de la partie médiane correspond à une autre image que celui de la partie principale.

Qu’est-ce à dire, sinon que la musique de Bach n’est descriptive qu’en tant que ses thèmes sont toujours déterminés par une association d’idées picturale ? Cette association, tantôt s’affirme énergiquement, tantôt est comme inconsciente. Il y a des thèmes dont, au premier abord, on ne soupçonnerait pas l’origine picturale, s’il ne se trouvait, dans les autres œuvres, toute une série de thèmes analogues dont l’origine n’est point douteuse. Ce sont alors les thèmes plus accentués