Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/113

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Je ne les ai point connus. Ma vieillesse ne fut pas caressée par leurs haleines fraîches. Ils ne vinrent pas me supplier de leurs tendres bouches entr’ouvertes. Seuls, semblables à de petits vagabonds, pleins d’une foi furieuse et aveugle, ils s’élancèrent vers la terre promise et ils furent anéantis. D’Allemagne et de Flandres, et de France et de Savoie et de Lombardie, ils vinrent vers tes flots perfides, mer sainte, bourdonnant d’indistinctes paroles d’adoration. Ils allèrent jusqu’à la cité de Marseille ; ils allèrent jusqu’à la cité de Gênes. Et tu les portas dans des nefs sur ton large dos crêtelé d’écume ; et tu te retournas, et tu allongeas vers eux tes bras glauques, et tu les as gardés. Et les autres, tu les as trahis, en les menant vers les infidèles ; et maintenant ils soupirent dans les palais d’Orient, captifs des adorateurs de Mahomet.

Autrefois, un orgueilleux roi d’Asie te fit frapper de verges et charger de chaînes. O mer Méditerranée ! qui te pardonnera ? Tu es tristement coupable. C’est toi que j’accuse, toi seule, faussement limpide et claire, mauvais mirage du ciel ; je t’appelle en justice devant le trône du