Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/131

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le menacer de loin, comme une file de géants noirs : ils ne savaient ni crier ni marcher — rien que s’amonceler, se serrer, se multiplier, croître, s’écarquiller, se fourcher, jeter mille tentacules immobiles, avancer soudain de grosses têtes et d’affreuses massues. Mais à la lisière de la plaine leur puissance était anéantie, et un enchantement les arrêtait soudain comme si la lumière les eût éblouis de stupeur.


Quand Alain fut dans cette plaine, il osa se retourner. Les géants noirs, attroupés comme l’armée de la nuit, semblaient le regarder tristement.

Puis Alain leva les yeux. Un miracle l’attendait au ciel. On eût dit qu’il était fleuri de fleurs de feu. Partout il tressaillait d’étincelles. Certaines s’enfuyaient, s’enfonçaient, allaient disparaître, tout à coup revenaient, grossissaient, brûlaient rouge, pâlissaient, bleuissaient, s’effaçaient, flottaient un peu, s’éparpillaient en trois, quatre, cinq traits de flamme, puis se renouaient, se fondaient, et, condensées, n’étaient plus qu’un point éclatant. D’autres avaient une