Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/175

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La raison étant permanente, tu la détruiras, et lu laisseras changer ta sensibilité.

Ne crains pas de te contredire : il n’y a point de contradiction dans le moment.

N’aime pas ta douleur ; car elle ne durera point.

Considère tes ongles qui poussent, et les petites écailles de ta peau qui tombent.


Sois oublieux de toutes choses.

Avec un poinçon acéré tu t’occuperas à tuer patiemment tes souvenirs comme l’ancien empereur tuait les mouches.

Ne fais pas durer ton bonheur du souvenir jusqu’à l’avenir.

Ne te souviens pas et ne prévois pas.

Ne dis pas : je travaille pour acquérir : je travaille pour oublier. Sois oublieux de l’acquisition et du travail.

Lève-toi contre tout travail ; contre toute activité qui excède le moment, lève-toi.

Que ta marche n’aille pas d’un bout à un autre ; car il n’y a rien de tel ; mais que chacun de tes pas soit une projection redressée.