Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/18

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et des joueuses de flûte aux gorges savoureuses, et des entremetteuses aux pommettes ridées, et des marchands d’esclaves aux joues gonflées d’argent. Par les pâturages bleus d’ombre glissèrent des pâtres siffleurs, portant des roseaux luisants de cire, et des pétrisseuses de lait couronnées de fleurs rousses.

Mais l’ombre aimante n’écouta point mes vers. Elle tourna sa tête dans la nuit et secoua du pli de sa tunique un miroir d’or, des pavots mûrs, une tresse d’asphodèles, et me tendit un des joncs qui croissent sur les bords du Léthé. Aussitôt j’eus le désir de la sagesse et de la connaissance des choses terrestres. Or je vis dans le miroir la tremblante image transparente des flûtes et des coupes et des chapeaux à haute pointe et des visages frais aux lèvres sinueuses, et le sens obscur des objets m’apparut. Puis je m’inclinai sur les pavots, et je mordis les asphodèles, et mon cœur fut lavé d’oubli, et mon âme saisit l’ombre par la main afin de descendre vers le Ténare.

L’ombre lente et fluette me conduisit beaucoup parmi l’herbe noire des enfers, où nos pieds se