Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/193

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— Elle appelait sœur Anne.

— Moi, je n’aurais pas crié.

— Oui mais, dit-il, Barbe-Bleue aurait eu le temps de te tuer. Sœur Anne était sur la tour, pour regarder l’herbe qui verdoie. Ses frères, qui étaient des mousquetaires très forts, sont arrivés au grand galop de leurs chevaux.

— Je ne veux pas jouer comme ça, dit la fillette. Ça m’ennuie. Puisque je n’ai pas de sœur Anne, voyons.

Elle se retourna gentiment vers lui :

— Puisque mes frères ne viendront pas, dit-elle, il faut me tuer, mon petit Barbe-Bleue, me tuer bien fort, bien fort !

Elle se mit à genoux. Il saisit ses cheveux, les ramena en avant, et leva la main.

Lente, les yeux clos et les cils frémissants, le coin des lèvres agité par un sourire nerveux, elle tendait le duvet de sa nuque, son cou, et ses épaules voluptueusement rentrées au tranchant cruel du sabre de Barbe-Bleue.

— Ou… ouh ! cria-t-elle, ça va me faire mal !