Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/198

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— Par là, dit-elle, il y a le grand étang. Les pauvres peuvent y boire.

— Nous ne sommes pas des bêtes, dit le vieil homme.

— Non, reprit Madge, mais vous êtes malheureux. Si vous avez faim je vais voler un peu de farine et je vous en donnerai. Avec l’eau de l’étang, ce soir, vous pourrez faire de la pâte.

— De la pâte crue ! dit le mendiant. On m’a donné un pain, merci bien, Mademoiselle.

— Et que feriez-vous, si vous n’aviez pas de pain ? Moi, si j’étais aussi vieille, je me noierais. Les noyés doivent être très heureux. Ils doivent être beaux. Je vous plains beaucoup, mon pauvre homme.

— Dieu soit avec vous, bonne demoiselle, dit le vieil homme. Je suis bien las.

— Et vous aurez faim ce soir, lui cria Madge, pendant qu’il descendait la pente du tertre. N’est-ce pas, brave homme, vous aurez faim ? Il faudra manger votre pain. Il faudra le tremper dans l’eau de l’étang, si vos dents sont mauvaises. L’étang est très profond.

Madge écouta jusqu’à ne plus entendre le