Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/228

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visage, il lui semblait le voir, dans son demi-sommeil : « Oh ! mon aimé, murmurait-elle, es-tu donc revenu ? Bonjour, bonjour, mon petit aimé. » Elle avançait la main et touchait le drap frais.

— Il faut, se dit encore Ilsée, être très patiente.


Ilsée attendit longtemps son fiancé. Sa patience se fondit en larmes. Un brouillard humide enveloppait ses yeux. Des lignes mouillées parcouraient ses joues. Toute sa figure se creusait. Chaque jour, chaque mois, chaque année la flétrissait d’un doigt plus pesant.

— Oh ! mon aimé, dit Ilsée, je doute de toi.

Elle coupa le linge blanc à l’intérieur du miroir, et, dans le cadre pâle, apparut la glace, pleine de taches obscures. Le miroir était sillonné de rides claires et, là où le tain s’était séparé du verre, on voyait des lacs d’ombre.

L’autre Ilsée vint au fond de la glace, vêtue de noir, comme Ilsée, le visage amaigri, marqué par les signaux étranges du verre qui ne reflète plus parmi le verre qui reflète. Et le miroir semblait avoir pleuré.