Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/277

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partie sans rien dire. Il pensa qu’elle n’avait pas voulu être triste de sa tristesse. Il se persuada qu’elle était allée vers d’autres enfants qui avaient besoin d’elle. Avec sa petite lampe agonisante, elle était allée leur porter secours, le secours d’une flammèche rieuse dans la nuit. Peut-être avait-elle songé qu’il ne fallait pas l’aimer trop, lui seul, afin de pouvoir aimer aussi d’autres petits inconnus. Peut-être l’aiguille avec son œil d’or ayant tiré le petit chariot de chair jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême bout du sillon ourlé, Monelle était-elle devenue lasse de la route écrue de toile où trottaient ses mains. Sans doute elle avait voulu jouer éternellement. Et l’enfant n’avait point su le moyen du jeu éternel. Peut-être avait-elle désiré enfin voir ce qu’il y avait derrière la vieille muraille aveugle, dont tous les yeux étaient fermés, depuis les années, avec du ciment. Peut-être qu’elle allait revenir. Au lieu de dire : « au revoir, attends-moi, — sois sage ! » pour qu’il épiât le bruit de petits pas dans le corridor et le cliquètement de toutes les clés dans les serrures, elle s’était tue, et viendrait, par surprise, dans son dos, mettre deux