Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/29

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Car il voulut, faute de sommeil, respirer par une baie de la muraille la lumière blanche de la lune, et il vit un marchand de femmes qui frappait à la porte, très tard dans la nuit. Le marchand cria : « Enfant, enfant ! » mais l’esclave ronflait sur le ventre et de ses bras croisés bouchait ses oreilles avec la couverture. Alors le poète s’enveloppa d’une robe jaune, dont la couleur était celle des voiles de noces ; cette robe teinte de crocos lui avait été laissée par une jeune fille joyeuse, le matin où elle s’était enfuie, vêtue du manteau d’un autre amant. Ainsi le poète, semblable à une servante, ouvrit la porte ; et le marchand de femmes fit entrer une troupe nombreuse. La dernière jeune fille avait les seins fermes comme un coing ; elle valait au moins vingt mines.

– O servante, dit-elle, je suis lasse ; où est mon lit ?

– O ma chère maîtresse, dit le poète, voici que tes amies sont couchées dans tous les lits de l’auberge ; il ne reste plus que le grabat de ta servante ; si tu veux t’y étendre, tu es libre.

L’homme misérable qui nourrissait toutes ces