Page:Schwob - La Lampe de Psyché, 1906.djvu/299

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on vient vers nous en foule et ceux qui nous suivent deviennent heureux.

Alors que nous vivions dans la ville, on nous contraignait au même travail, et nous aimions les mêmes personnes ; et le même travail nous lassait, et nous nous désolions de voir les personnes que nous aimions souffrir et mourir.

Et notre erreur était de nous arrêter ainsi dans la vie, et, restant immobiles, de regarder couler toutes choses, ou d’essayer d’arrêter la vie et de nous construire une demeure éternelle parmi les ruines flottantes.

Mais les petites lampes menteuses nous ont éclairé le chemin du bonheur.

Les hommes cherchent leur joie dans le souvenir, et résistent à l’existence, et s’enorgueillissent de la vérité du monde, qui n’est plus vraie, étant devenue vérité.

Ils s’affligent de la mort, qui n’est pourtant que l’image de leur science et de leurs lois immuables ; ils se désolent d’avoir mal choisi dans l’avenir qu’ils ont calculé suivant des vérités passées, où ils choisissent avec des désirs passés.